… Ou comment être courageux et pas seulement responsables ?
Avec le déconfinement, tous les dirigeants et leurs équipes de direction sont mobilisés pour gérer le déconfinement, gérer l’urgence. Ils s’assurent de la réaffectation des locaux, des plans de circulation, de la mise à disposition de masques et de gel voire de la refonte de certains processus. Ils agissent de manière responsable (et assez exemplaire de mon point de vue). Mais est-ce suffisant ?
Déconfinement : comment faire face au “Monde d’après“ ?
Nul ne sait à quoi va ressembler le « monde d’après », celui d’après 2020 (même si chacun s’accorde sur un augmentation du télétravail et moins de déplacements ! ). En revanche, nous savons que nous entrons, pour plusieurs mois, dans une période de transition vers cet inconnu « Monde d’après ». Cette période transitoire, riche de réflexions et d’expérimentations, est clé pour construire le management et la coopération des années post-crise. Et cette transition n’est pas du tout évidente !
Dans une entreprise de services, pour tenter d’accompagner les managers et les équipes durant le confinement, il a été proposé : des webinaires, des groupes de co-développement voire, pour des managers, des rendez-vous individuels. Seuls 5 % de managers ont répondu positivement. Pourquoi si peu ?
Certes la période est pleine d’urgences à gérer mais le manque de temps ne peut être qu’un mauvais argument. C’est, pour partie, le révélateur d’un manque de conscience des enjeux à venir et d’une mauvaise compréhension de la nature de la crise qui deviendra notre nouvelle normalité. Munis d’une grille de lecture inadaptée, ils ne sont pas encore décidés (ou invités) à se transformer. Pourtant, les dirigeants sont convaincus que les managers doivent évoluer. Malheureusement, ces mêmes dirigeants manquent souvent de temps pour décrire le nouveau modèle d’organisation imaginé ET d’une culture du feed-back pour dire aux managers en quoi ils ne sont pas (encore) au niveau et doivent évoluer. Faute d’un discours clair, il n’y a pas d’alignement sur la nécessité de modifier les comportements manageriaux.
Or, on voit déjà les signes d’une situation intenable. Les dérives et approximations manageriales peuvent faire (encore plus) des dégâts dans un environnement qui a changé radicalement, où les contacts sont virtuels. Ce qui était contrôlable dans un monde co-localisé ne l’est plus dans un monde à distance. Par exemple, avec l’éloignement, on a vu la perte de contact dans certaines équipes et l’apparition de véritables « décrocheurs » qui ne contribuent plus au collectif. Focalisés sur les urgences, les managers, parfois, laissent faire. A l’inverse, les plus investis renforcent encore leur implication et frisent la saturation – parfois en compensant la sous-performance de leurs collègues. Chacun en souffre, tout le monde y perd.
Il est bien sûr possible de remédier à ces situations grâce à la mise en place de trois «incontournables » suivants : être clair, fixer une cible et donner les moyens.
Incontournable n°1 : être clair
Pour les dirigeants, le plus important est de parler à leurs équipes, d’être clairs : à la fois expliquer en quoi la stratégie évolue et à la fois être courageux dans l’expression des faiblesses manageriales passées ou actuelles, être transparents sur la nécessité de (re)apprendre certains fondamentaux.
Incontournable n°2 : fixer une cible managériale
Cet incontournable consiste à fixer une cible manageriale sur quelques axes principaux :
- Déléguer et responsabiliser : avec un retour de 15% des effectifs au bureau, il restera près de 85 % du reste des équipes en télétravail. Le niveau d’autonomie attendu dans la gestion de son temps, de ses activités est donc très élevé. Pour ce faire, chacun doit avoir une vision claire de ce qu’il peut décider. En début de confinement, les décisions étaient prises avec rapidité, agilité et de manière déconcentrées. Une fois les premiers jours passés une « lourdeur administrative » s’est ré-installée. Or, ne pas déléguer génère de nombreux risques comme celui de saturer des réunions où trop d’acteurs sont présents, faute de confiance. Il est vital donc de (re)définir qui décide quoi, avec pour axe fort : la subsidiarité, c’est-à-dire que tout ce qui peut se décider au plus près du terrain doit l’être. Le manager décide moins et il aide à prendre les décisions.
- Décoder : avant la pandémie, près de 70% des managers disaient déjà ne pas avoir les moyens d’expliquer la stratégie de l’entreprise à leurs équipes. En cette période de COVID-19 et de crise économique, l’exercice risque d’être encore plus difficile, charge donc aux dirigeants de décoder, clarifier et expliquer les évolutions de l’environnement, leurs impacts sur la stratégie et le quotidien des équipes. Comprendre les objectifs à atteindre, maîtriser les marges de manœuvres, etc… permettra aux équipes de prendre les bonnes décisions.
- Se centrer sur le collectif : l’enjeu est bien la capacité d’une équipe à travailler ensemble à distance. Il est assez impressionnant de voir comment certains collectifs se sont redynamisés en peu de temps, ont installé des nouveaux rituels et renforcé la confiance. D’autres se sont littéralement désagrégés. C’est bien sur la dynamique collective que le manager doit se focaliser.
- Piloter la performance et faire du feed-back : Une vision claire des objectifs à atteindre (et pas forcement des tâches à réaliser) est d’autant plus important en période de distanciation. Le pilotage de la performance de l’équipe est clef, davantage centré sur ce qui a été atteint (résultat) plutôt que les actions réalisées (Activité / moyen). Pour cela, il est important de faire du feed-back au équipes de manière hebdomadaire.
Incontournable n°3 : donner les moyens
Beaucoup de formations managériales pour les primo-managers restent sans suite, sans réelle mise en oeuvre ! Avec une formation, on couvre à peine 10 % des besoins car l’objectif n’est pas tant de donner de la connaissance théoriques que de réussir à fixer réellement, au quotidien de nouveaux comportements. Pour y parvenir, il faut :
- Du temps dédié : Exercice toujours passionnant de regarder un agenda de manager et de s’interroger – avec lui – sur la proportion du temps passé à manager ses équipes. Pas en réunion de planification, mais bien en aide à résoudre un problème, travailler un plan de développement personnel. Cela prend du temps. Il faut donc dédier du temps aux managers pour cela.
- De l’entraide : Il n’y a pas beaucoup plus compétent qu’un manager pour en aider un autre à résoudre une difficulté : il a les mêmes enjeux, il connait l’environnement, etc.. Les managers ne sont pas prompt à demander à leur communauté de les aider à prendre du recul sur un problème. Or, dans cette période nous avons pu assister à des sessions de co-développement entre dirigeants de PME/ Start-ups (appartenant donc à des organisations différentes) dont les effets sont réels, rapides et mesurables.
- Co-créer : toutes les équipes ont innové, ces dernières semaines, en matière de coopération. C’est cette capacité qu’il faut renforcer et généraliser. L’organisation de l’équipe peut être repensée par l’équipe elle-même.
- Expérimenter (et accepter de revenir en arrière) : passer rapidement de l’idée à l’action est clef en cette période. Certaines idées sont séduisantes sur le papier mais ne correspondent pas à la réalité du terrain. Il faut donc s’organiser pour expérimenter – la nouvelle gestion des espaces par exemple – et réaliser des bilans rapides. Quitte à revenir en arrière.
Les dirigeants, qui agissent déjà de manière responsable, doivent donc aller plus loin. Avoir le courage de faire du feed-back à leurs équipes de management sur ce qu’ils font bien … et ce qu’ils doivent faire différemment. Et montrer l’exemple en adoptant eux même de nouveaux comportements. La force de leur exemple permettra une assimilation plus facile et plus rapide de ces nouveaux modes de réflexion et de travail par les équipes managériales en quête de nouveaux repères.